18 ans après Shenmue II, Yu Suzuki reprend l’histoire de Ryo Hazuki exactement là où elle s’est arrêté. Après l’annonce de son Kickstarter lors de l’E3 2015 pendant la conférence de Sony, Shenmue 3 est entré dans le Guinness des records en tant que jeu ayant été financé le plus rapidement. En effet, la campagne a permis de lever plus d’un million de dollars en 102 minutes, témoignant ainsi de l’engouement et de la réelle attente des fans pour cette suite du jeu culte. Après un début de développement mouvementé et plusieurs reports de la date de sortie, le Graal des fans du titre phare de la Dreamcast est enfin disponible…
Chêne Mou?
Lorsqu’un nouvel opus d’une licence historique telle que Shenmue sort, subitement tout le monde prétend être un fan de la première heure, voire un spécialiste. Je n’aurai pas cette hypocrisie. Il est des jeux qui ont une aura intemporelle, qui traversent les générations, qu’on y ait joué ou pas. C’est exactement le cas ici. J’ai toujours été attiré par Shenmue, sans jamais posséder de support pour y jouer. Je n’ai pas possédé la Dreamcast ni la Xbox, sur laquelle Shenmue II était ressorti. C’est donc en 2018, lors de la sorti des 2 premiers épisodes remasterisés que j’ai pu enfin poser les mains dessus et les découvrir sur PS4.

Magnifique en 1999, il faut dire que Shenmue premier du nom a mal vieilli, même remasterisé. C’est le cas de la quasi totalité des jeux 3D de cette époque. Mais qu’importe. Shenmue est un voyage, aussi bien dans le temps que dans l’espace. En effet, l’œuvre de Suzuki nous transporte dans une petite ville du Japon, au milieu des années 80. C’est en partie ce qui rend ce jeu si attachant : retrouver une culture et une époque où le respect faisait encore partie des valeurs, et où les gens se parlaient directement, sans passer par des applications de messagerie, des mails, etc… Les gens ne marchaient pas dans la rue le nez collé à l’écran de leur téléphone et prenaient même le temps de se dire bonjour.
Pourquoi je fais mon vieux et et je parle de ça? Car un des éléments majeurs de Shenmue est la relation avec les PNJ. En effet, pour avancer il faut aller leur parler, et chacun à sa propre « vie ». On ne les trouvera pas au même endroit selon l’heure de la journée, et leur accueil ne sera pas le même. Si il pleut, ils marcheront avec un parapluie, certains déambuleront ivre passé une certaine heure, etc… A l’époque, c’était révolutionnaire, et encore aujourd’hui, peu de jeux ont ce soucis du détail.

Si vous avez passé les 20 dernières années dans une grotte et que ce n’est pas celle de Guilin, voici un résumé du résumé : en rentrant chez lui, Ryo, fils d’un maître de Karaté possédant son propre dojo, voit son père aux prises avec des gangsters. Leur chef, un chinois du nom de Lan Di assassinera de ses mains Iwao, le père de Ryo, devant ses yeux, sans que celui-ci ne puisse faire quoi que ce soit. Ryo jurera alors vengeance et fera tout pour retrouver le meurtrier.
S’ensuivra une longue enquête à travers la ville de Yokosuka et au port où il devra se frotter à d’autres bandits pour suivre les traces de Lan Di. Son périple le mènera ensuite à Hong Kong puis à Kowloon et enfin à Bailu où il finira par rencontrer Shenhua, cette jeune femme qui apparaît dans ses rêves depuis la mort de son père. Leurs destins sont liés sans qu’ils ne sachent encore comment, et leurs recherches les mèneront dans ces fameuses grottes à Guilin où ils ont été laissés il y a maintenant 18 ans…
Back dans les bacs
… et les voici donc, 18 ans plus tard, dans la même grotte, devant ces miroirs géants représentants le dragon et le phoenix. Pour ceux qui n’ont plus tous les évènements en tête, ou qui voudraient se lancer dans Shenmue 3 sans s’imposer le gameplay des 2 premiers opus, un « film récapitulatif » est proposé dans le menu principal.
Comme après avoir laissé un film en pause pendant 18 ans donc, l’aventure reprend exactement là où elle s’est arrêtée. En 18 ans, le gaming a évolué, plusieurs générations de consoles se sont succédées et les attentes des joueurs ont changé, mais pas la vision de Yu Suzuki. Là où il aurait pu partir sur quelque chose de plus consensuel (je ne sais pas moi, Shenmue Battle Royale par exemple lol), le Monsieur est resté droit dans ses bottes et a continué son boulot comme il l’aurait fait il y a 18 ans si il en avait eu la possibilité. Je trouve ça à la fois très admirable et très audacieux.
Shenmue premier du nom était en son temps une révolution car il a bénéficié d’un budget conséquent qui, en rapport, n’a absolument rien à voir avec celui du 3. Si le jeu, évolution technologique oblige, possède un gameplay qui n’est en rien semblable à celui de ses aînés, il en a néanmoins hérité de certains de ses défauts, bien que nettement moins prononcés. Ainsi, si l’on compare avec d’autres jeux à la 3e personne actuels, on ressentira une petite rigidité dans les mouvements de Ryo. Mais je le répète, rien à voir avec les précédents opus.
Élémentaire mon cher Ryo
Shenmue 3 apportera des réponses à des questions laissées précédemment en suspens. Je n’en dirais pas plus pour ne pas spoiler mais plusieurs fois je me suis dit « aaaaaah daccooooord ».
L’enquête menée par Ryo se veut désormais plus poussée. Il faudra non seulement parler avec pas mal de PNJ, mais aussi parfois fouiller minutieusement des pièces entières à la recherche d’indices pouvant faire avancer les investigations. Ainsi, il faudra ouvrir chaque tiroir et chaque porte de chaque meuble, voire même les déplacer pour être sûr de ne rien louper.
Le système de combat a su évoluer aussi. Toujours dans l’esprit d’un Virtua Fighter avec ses combats en 3D, les coups spéciaux se font par des combinaisons de touches à effectuer rapidement. Il est possible d’en attribuer un à la touche R2 et d’en changer en tapotant R1. On pourra augmenter son niveau de kung fu et son endurance en s’entraînant, apprendre et maîtriser de nouvelles techniques en achetant des manuscrits etc…
Enfin Ryo a toujours la possibilité d’effectuer des petits boulots (oui le chariot élévateur est de la partie!) ou de participer à des jeux d’argent pour en gagner. Cela sera même maintenant complètement nécessaire puisque un nouveau facteur entre en jeu : la faim. Au fur et à mesure de la journée, la santé de Ryo diminue et il faut manger pour la restaurer.
Et comme la nourriture n’est pas gratuite, il faut gagner sa croûte, d’une manière ou d’une autre. Les collectibles comme les gashapons ou les plantes peuvent aussi être vendus. Une collection complète de gashapons ou un ensemble de plantes nécessaires à une recette permettront d’obtenir un bon pactole. Sinon, pour les hommes, les vrais, on peut toujours couper du bois à la hache, à l’ancienne.
On ne dit pas vieux, on dit « vintage »
Autant mettre carte sur table tout de suite : la réalisation de Shenmue 3 n’est pas toujours à la hauteur des productions actuelles. Je parlais plus haut de la rigidité des déplacements, je pourrais citer d’autres défauts comme le fait que si on aborde une personne 10 fois, les 10 fois Ryo et elle vont se saluer comme si ils ne s’étaient pas vus avant. On a pu lire beaucoup de moqueries aussi sur les visages « figés » des PNJ (même si à ce sujet, c’est moins beau dans pas mal de jeux). Je pourrais dire aussi qu’à certains endroits, je ne peux pas passer du chemin sur lequel je marche à celui qui se trouve 2 mètres à côté en coupant par l’herbe, car il y a un « mur » invisible qui m’empêche de le faire.
Par contre on parle assez peu je trouve, de la beauté et du soucis du détail dans les décors. C’est juste magnifique. Il faut observer les rivières, les multitudes de fleurs ou encore les bâtiments pour se rendre compte de ça. La ville de Niaowu est une ville typique chinoise, et elle grouille littéralement de vie. Il faut regarder également comment chaque PNJ est différent et a un nom et une personnalité. Il faut écouter les bruits des mouches quand on passe près des cochons, celui de la pluie qui tombe ou des oiseaux qui s’envolent. Il faut écouter également cette bande son qui change d’un endroit à l’autre. Elle n’est pas la même qu’on soit dans un champs, sur la place du village ou à l’intérieur d’un restaurant.
Même si il a bénéficié d’outils modernes et actuels, Suzuki a donc bossé à l’ancienne. C’est également le cas dans les scènes cinématiques, où les changements d’angles pendant les dialogues ou encore les gros plans sur le visage d’un protagoniste, pour montrer l’étonnement ou le choc, ne sont pas sans rappeler le cinéma asiatique des années 70-80.
Conclusion III
A l’instar d’un Death Stranding, Shenmue 3 est un jeu qui va diviser les joueurs, tant leurs réalisateurs respectifs y ont mis leur âme et leur vision propre.
Je ne connais pas, et je n’imagine même pas un fan de Shenmue déçu du jeu et ne pas l’aimer. Ceux par contre qui sont imperméables à la culture japonaise ou allergiques à la moindre contrariété dans le gameplay se contenteront de railler le jeu et de troller sur les réseaux sociaux.
J’invite néanmoins les curieux et passionnés de gaming qui ne connaîtraient pas encore la licence à compléter leur culture vidéo-ludique, en commençant bien sûr par le premier épisode. Car qu’on accroche ou pas, Shenmue est un monument du patrimoine des jeux vidéo.
Je terminerai en adressant un grand MERCI à Monsieur Yu Suzuki pour ce 3eme épisode magnifique de Shenmue et pour conserver son œuvre si authentique, et j’espère à très bientôt pour la suite (et fin?) de cette aventure.
Je donne à Shenmue III le badge « Conseillé » car je ne peut que conseiller à tout le monde d’y jouer et de le découvrir. J’aurai préféré le badge « Indispensable » pour les fans, mais aucun n’aura attendu de lire mon modeste avis sur le jeu pour se le procurer!
Les plus
- Enfin la suite
- pas de changement de cap, authentique
- Textes en français
Les moins
- la réalisation old school ne plaira pas à tout le monde
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